Le chômage

18/08/2012 12:19

 

Le terme de chômage est devenu familier pour la société française depuis une trentaine d'années. Contrairement à une idée communément admise, les économies occidentales ne sont pas toutes frappées de la même ampleur par le chômage. Les États-Unis comme la Grande-Bretagne connaissent un taux de chômage sensiblement plus faible qu'en France ou en Allemagne. Au début de l'année 2010, le taux de chômage s'élevait à 5% en Grande-Bretagne contre 9.5% en France. La hausse du taux de chômage s'est brusquement accélérée au début 2009 : après un taux de 7.8% au 3e trimestre 2008, puis de 8% au 4e trimestre, le taux s'est élevé à 9.1% au 1er trimestre 2009, soit une hausse de 13% d'un trimestre à l'autre. C'est la plus forte progression trimestrielle enregistrée depuis plus de 30 ans. Notons d'ailleurs que cette progression s'est effectuée en dépit d'un nouveau décompte des chômeurs : les salariés en chômage partiel ne sont en effet plus considérés comme chômeurs. Les plus touchées sont aux extrêmes : jeunes et vieux actifs.

 

 

A. Un phénomène structurel

Le chômage demeure difficile à évaluer. Plusieurs milliers de personnes n'apparaissent pas dans les statistiques du chômage : les salariés travaillant à temps partiel mais souhaitant un emploi à temps complet (près de 1.3 millions de personnes ayant un emploi travaillent moins de temps qu'elles ne le souhaiteraient), les étudiants inscrits une année supplémentaire à l'université car ne trouvant pas d'emploi, les personnes en stage, les actifs au chômage renonçant à rechercher une activité professionnelle… Le chômage réel est donc sensiblement plus élevé que ne le laissent indiquer les statistiques officielles. En France, le chômage présente les caractéristiques suivantes :

  • Une très forte proportion de jeunes adultes (23.5%) de moins de 25 ans est sans emploi.
  • Un très faible taux d'activité (35% contre 56% en Grande-Bretagne) touche les personnes âgées entre 55 et 64 ans.
  • Les politiques sociales menées depuis trente ans ont toutes mené à un échec. En 1974, la France comptait 604 000 chômeurs (soit 2.7% de la population active), en janvier 2005, 2 800 000 chômeurs (soit 10.1% de la population active) et en janvier 2010, près de 2 400 000 chômeurs (soit un peu moins de 10% de la population active).
  • Le chômage est protéiforme. Si les actifs peu qualifiés sont les premières victimes du chômage, ce dernier touche également les cadres et les cadres supérieurs. Aucune catégorie sociale ne semble désormais épargnée par cette question de l'emploi même si les employés sont plus affectés (8.1% sont sans travail en 2009) ainsi que les ouvriers (10%) par rapport aux cadres (4%)
  • Le fort taux de chômage est paradoxal car en parallèle, des milliers d'emplois ne trouvent pas de candidats (principalement dans la restauration, le bâtiment et le secteur hospitalier).

 

 

B. Les raisons du chômage en France

Les raisons du chômage en France sont multiples ce qui explique les difficultés d'engager des mesures efficaces.

 

  1. Une industrie en déclin.

L'industrie en France en 2009 ne représente que 13.6% des emplois contre une proportion double en Allemagne. Ce est habituellement expliqué par le coût rédhibitoire de la main d'œuvre l'empêchant de rivaliser avec les pays asiatiques. Une constat partiellement erroné. Car l'Allemagne et le Japon ont sur, en dépit de coûts salariaux comparables, voir supérieurs à ceux de la France, conserver une industrie dynamique. Le tissu industriel en France, surtout, n'est pas suffisamment spécialisé. L'industrie en Allemagne repose sur des segments de production plus précis (véhicules haut de gamme, rotatives, matériel de précision, optique).

 

Le japon consacre un effort soutenu à l'innovation et à la recherche lui permettant de conserver des parts de marché significatives (véhicules à moteur à hydrogène développé par Toyota, fabrication de 90% des appareils photographiques numériques dans le monde, développement du train rapide à lévitation magnétique). L'industrie française hormis l'aéronautique n'a pas su véritablement évoluer et innover et donc ne parvient pas à cause de ses coûts de production à rivaliser avec l'étranger. Le Japon, pour une population double de la France compte quatre fois plus de chercheurs.

 

Le secteur textile en France a perdu 80% de ses emplois depuis 1970. La mécanique, l'automobile doivent désormais relever le défi de la concurrence de l'Europe de l'Est et de l'Asie. Très longtemps, les entreprises françaises sont demeurées à l'abri de la concurrence grâce aux situations de monopole (France Télécom, EDF), aux marchés dans les anciennes colonies (Peugeot, Bouygues) ou aux protectionnisme européen (des quotas à l'importation ont ainsi frappé l'automobile japonaise jusqu'en 1999). Ce n'est qu'au milieu des années 1980 que l'industrie française a commencé à prendre en compte la concurrence étrangère, réussissant parfois de spectaculaires évolutions comme la Régie Renault, devenue Renault-Nissan aujourd'hui, le 4e constructeur automobile mondial.

 

  1. Un système éducatif peu efficace

Indéniablement, le système scolaire n'est pas adapté aux exigences du monde du travail. Pour des raisons historiques et politiques, l'enseignement supérieur porte un certain mépris à l'égard du monde de l'entreprise. Les universitaires estiment que leur savoir doit amener l'homme à réfléchir et permettre ainsi d'améliorer la société. Cette vision idéaliste ne répond guère à la réalité. Le système scolaire vit cloisonné, les enseignants nommés à vie ne font l'objet d'aune évaluation sur leur pédagogie. Le poids des affinités syndicales et le corporatisme freinent toute velléité de changement. Ainsi un étudiant en troisième cycle peut ne pas avoir effectué un seul stage professionnel pendant toute sa scolarité. Ce système scolaire est à mettre en parallèle avec les pratiques des autres pays européens. L'apprentissage ou les liens étroits entre l'entreprise et l'université comme dans les pays anglo-saxons, permettent de former des jeunes diplômés aux attentes réelles du marché du travail. L'orientation fait également défaut. En France en dépit du nombre réduit de débouchés professionnels, certaines filières comme le sport (science et technique des activités physiques) ou les sciences humaines (histoire, sociologie) attirent chaque année des milliers d'étudiants. La gratuité des études a provoqué un enseignement de masse, dans lequel le nombre des années d'études semble prévaloir sur la qualité des savoirs acquis.

 

  1. Le poids de la législation

Le droit français est souvent présenté comme pénalisant l'entrepreneur. La législation française accorde à juste titre de nombreux droits au salarié qui peuvent parfois dissuader l'embauche (préavis de licenciement, statut protecteur pour les DS, jurisprudence souvent favorable aux salariés). En cas de diminution de son activité économique, le chef d'entreprise sait que les procédures de licenciement seront lourdes et coûteuses, ce qui ne l'incite guère à recruter. C'est pourquoi ont été mis en place d'autres formes de contrats de travail (contrat nouvelle embauche) destinées à rendre plus fluide le marché du travail.

 

  1. Une fiscalité dissuasive

Le financement du "modèle social" français entraîne depuis une vingtaine d'années un alourdissement constant des prélèvements obligatoires et de ce fait se révèle un frein important à l'emploi. En effet, la fiscalité directe et indirecte mais aussi le poids des charges sociales entravent l'initiative. Ainsi, le taux d'imposition des entreprise françaises s'élève à 33%, alors que de nombreux pays voisins parviennent à attirer des investisseurs grâce à des pratiques fiscales plus avantageuses : taux d'imposition sur les société de 19% en Pologne ou de 15% en Lituanie. Si les grandes entreprises peuvent réduire leur fiscalité par le biais de nouveaux investissements ou de conditions particulières, les entrepreneurs individuels supportent une charge fiscale  importante.

 

  1. Une productivité excessive

La France figure parmi les pays où la productivité est l'une des plus élevées. Mais cette mécanisation a entraîné des destructions importantes d'emplois notamment dans l'industrie. Il serait absurde d'opposer l'homme à la machine mais force est d'admettre que la France, à la différence du Japon, a connu une mécanisation peut-être excessive. Ce dernier a sur maintenir des emplois nombreux dans les secteurs où la concurrence étrangère n'existe pas (pompiste, guichetier…).

 

C. Les politiques menées contre le chômage.

  1. Le traitement social du chômage

L'objectif est de former des personnes jusqu'alors peu qualifiées ou sous-qualifiées par le biais de contrats d'apprentissage ou d'alternance et leur permettre ainsi d'accéder au marché de l'emploi. L'emploi public en faveur des moins qualifiés a également été développé. Cette politique s'est traduite par la mise en place du "contrat emploi solidarité' (CES), puis de l'emploi-jeune en 1997, du "contrat d'avenir" et du contrat nouvelle embauche (CNE) en 2005. Ce dernier ainsi que le contrat première embauche (CPE) seront finalement enterrés, faute d'être conformes à des principes juridiques fondamentaux (période d'essai raisonnable et obligation de motiver le licenciement).

 

  1. La réduction des charges sociales

L'un des freins à la création d'emploi provient du montant élevé des charges sociales payées par l'employeur. Ce montant se révèle en effet dissuasif, a fortiori, s'il s'ajoute à d'autres mesures obligatoires (franchissement du seuil des 10 salariés nécessitant l'élection d'un délégué du personnel). Par ailleurs le coût du salaire et le montant des charges sociales ne sont pas compensés par la valeur ajoutée qu'un salarié peu qualifié peut offrir. La réduction des charges sociales est donc une mesure habituelle destinée à favoriser l'embauche des salariés les moins qualifiés. Ces dispositions n'ont guère d'effets probants. Les entreprises bénéficient d'un effet d'aubaine, embauchant à moindre frais. Mais surtout ces multiples exonérations fiscales aggravent le déficit des comptes de la sécurité sociale financée principalement par les prélèvements sur les salaires.

 

  1. La formation des salariés

L'inadéquation entre la formation des étudiants et la demande des entreprises constitue une explication pertinente du chômage des jeunes adultes. Depuis les années 1990, l'état s'est engagé dans une politique de soutien à la formation et à la qualification (apprentissage ou préparation du brevet de technicien supérieur en alternance). L'entreprise prend à sa charge le montant de la formation d'un salarié âgé généralement de moins de 26 ans (comme apprenti ou étudiant) et en échange bénéficie d'exonérations fiscales et sociales. L'entreprise peut donc former un prochain collaborateur en fonction de ses besoins spécifiques. Elle assure en retour une qualification et octroie une rémunération, fût-elle parfois symbolique (en fonction de l'âge et de l'ancienneté), à son salarié le temps de sa formation. Mais nul ne peut nier aussi les dérives d'un tel système, quand se succèdent dans une même entreprise des bénéficiaires de tels dispositifs, plutôt qu'un salarié embauché à temps complet.

 

  1. L'incitation au travail

Le fort taux de chômage structurel que connaît la France s'explique également par la faible incitation à reprendre une activité professionnelle. Le montant des aides sociales (RMI et maintenant RSA, allocation au logement, gratuité de la cantine scolaire) peut paradoxalement constituer un obstacle à la reprise d'une activité car un travail faiblement rémunéré (à la hauteur du SMIC) entraîne une diminution du revenu du salarié. Celui-ci doit désormais payer des frais de transport pour se rendre à son lieu de travail. Il perd en outre de nombreux avantages sociaux (comme l'exonération du paiement de la taxe d'habitation, l'exonération de frais d'entrée dans les associations sportives municipales, les musées, etc.). L'incitation au travail impliquerait alors une revalorisation significative du montant des rémunérations : or ce n'est pas le cas actuellement. C'est pourquoi la faiblesse des salaires explique la pénurie de main d'œuvre, ainsi dans l'hôtellerie ou la restauration. Les rémunérations dans l'hôtellerie ne sont guère attrayantes (40% des salariés du secteur perçoivent le SMIC) et la pénibilité du travail peu récompensée (possibilité de coupure pendant la journée, travail de nuit fréquent).

 

D. Conclusion

Les freins à l'emploi ont pour la plupart été identifiés, mais l'essentiel tient à une croissance trop faible. Même exonérée de charges, l'entreprise sans clients n'embauche pas. La faiblesse de notre commerce extérieur comme de la croissance économique apporte l'une des réponses principales à la persistance d'un si fort taux de chômage. Le chômage outre sa dimension économique et sociale est une question centrale, car le chômage massif et structurel remet en cause le financement de notre protection sociale aussi avantageuse. Les difficultés liées au financement des retraites ou de la sécurité sociale ne se poseraient pas dans un pays avec moins d'un million de demandeurs d'emploi. Et les indices souvent positifs de la Bourse de Paris ne traduisent pas la bonne santé de notre économie : des entreprises cotées en bourse comme Air Liquide ou l'Oréal réalisent les 2/3 de leur chiffre d'affaire à l'étranger.